Autour de Claude-Marius Vaïsse,
ordonnateur de la restructuration
du centre-ville de Lyon

Dans le cadre de l’enseignement supérieur, une partie des activités des enseignants est réservée à la recherche. C’est dans ce contexte et avec l’appui de l’UMR 5049 qu’ont été mises en oeuvre des études sur l’histoire urbaine de Lyon et l’évolution des formes urbaines qui ont entre autres donné naissance à des publications voire des expositions. Par ailleurs, la très grande richesse des fonds conservés aux Archives municipales permet aux étudiants issus de la filière histoire de l’art (spécialité histoire de l’architecture) d’effectuer des travaux de recherches portant sur l’urbanisme, les monographies d’édifices ou les biographies d’architectes.

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L’étude des fonds de la voirie - série O -, des atlas de plans ou des plans séparés et partiels provenant du bureau de l’architecte en chef de la ville de Lyon ou de l’ingénieur de la voirie permettent bien souvent de reconstituer à un moment donné les projets et les actions mises en oeuvre. Ainsi sous le second Empire, il est possible de reconstituer très précisément la politique de Claude-Marius Vaïsse qui, à partir du printemps 1853 fut nommé à Lyon par le ministre de l’Intérieur pour recomposer le centre de la ville. Cet homme politique joua toute proportion gardée, un rôle assimilable à celui du préfet Haussmann à Paris.

Ce type d’urbanisme volontariste et modélisateur n’a pu voir le jour qu’en raison d’une forte volonté politique et de l’action déterminée du gouverneur de la ville, le Maréchal de Castellane, de Cl.- M. Vaïsse nommé expressément administrateur de Lyon et du département du Rhône, d’un ingénieur de la voirie Gustave Bonnet, mais aussi de René Dardel qui avait réalisé toutes les études préalables depuis 1843 alors qu’il était architecte en chef de la ville de Lyon.

Pour traiter de l’urbanisme, l’usage voudrait que l’on montrât des plans. Aujourd’hui nous préférons évoquer l’homme - Claude-Marius Vaïsse (1799-1864) - initiateur et maître d’ouvrage des remaniements urbains les plus importants pour Lyon au XIXe siècle. Outre les nombreux portraits officiels photographiques ou gravés de cette personnalité marquante, les Archives municipales de Lyon conservent trois modèles en plâtre qui font état des propositions faites lors du concours ouvert en 1865 par la ville de Lyon afin d’honorer sa mémoire. Augustin Courtet et Guillaume Bonnet signent deux de ces maquettes. La troisième est plus difficilement identifiable puisque lors du concours trois autres sculpteurs, Jean-Marie Bonnassieux, Joseph Fabisch et Félix Roubaud l’Aîné, remirent des projets.

Aujourd’hui la mémoire du Préfet Vaïsse est modestement honorée par un buste placé dans une des îles du parc de la Tête d’Or qui fut restauré par le sculpteur Claude Bertola. Donc rien de comparable avec le monument réalisé par G. Bonnet et l’architecte en chef Tony Desjardins qui comportait une statue en bronze de trois mètres de haut. Le monument a disparu mais la maquette en plâtre des Archives nous renseigne sur la statue en pied ; l’oeuvre est aussi documentée par des esquisses.

Ce monument imposant était destiné à la place de l’Impératrice (actuelle place des Jacobins). Il était composé de quatre fontaines en pierre de Villebois accompagnées des statues des saisons en marbre, servant de faire-valoir à la statue de Vaïsse qui fut achevée en 1868, tandis que Fabisch et les frères Roubaud terminaient les représentations des quatre saisons. Le monument fut inauguré en 1868. Cependant, il subit les aléas de l’histoire. Après la chute du second Empire on pensa à le détruire. Puis sa monumentalité amène le nouvel architecte en chef de la Ville, Abraham Hirsch, à songer à son déplacement, voire à son démantèlement. Comme le rappelle G. Gardes les fontaines serviront de base au monument dédié à la République (place Carnot), puis seront détruites lors de son démantèlement en 1975. Depuis 1903, les statues des saisons ornent le parc de la Tête d’Or, tandis que la statue de Vaïsse fut fondue en 1902.

La maquette de G. Bonnet retient l’attention par le choix de la représentation de Cl.-M. Vaïsse magnifié par son habit de sénateur. Le lourd manteau élégamment drapé est retenu de la main droite, mettant en évidence le traitement raffiné de l’habit et de la croix de l’ordre de la Légion d’honneur. De la main gauche Vaïsse tient le plan du centre de la Presqu’île, son oeuvre maîtresse, composition convenue pour les portraits d’architecte ou les personnages occupant ce genre de fonction.

Le projet soumis par Augustin Courtet est plus sensible et plus spontané, même si l’habit de sénateur et ses décorations situent bien le personnage dans sa haute fonction. Il n’use pas des artifices du manteau pour amplifier la stature du préfet ni ne recherche la ressemblance à tout prix.

La troisième maquette ne porte aucune signature. La pose est servie par le manteau accroché aux épaules et largement déployé, autorisant le sculpteur à traiter plus allusivement le reste de la composition. Le style plus froid et l’attitude hiératique pourraient faire songer à l’écriture de J.-H. Fabisch. Il est à noter que très tôt on perdit la mémoire de son auteur et que lorsque fut installé le premier monument commémoratif dans le parc de la Tête d’Or (aujourd’hui remplacé par un buste) on attribuait le monument à G. Bonnet alors que les photographies anciennes témoignent d’un portrait en pied très proche de la version proposée par cette maquette. Il est possible en effet que Fabisch, qui fut classé deuxième au concours, ait réalisé le premier monument du parc.


Bibliographie

Gilbert GARDES, Le monument public français : l'exemple de Lyon, thèse de doctorat d'État soutenue à l’université Paris I, La Sorbonne, [S.l.], [Gilbert Gardes], [1986], 6 t. en 7 vol.

De la rue Impériale à la rue de la République : archéologie, création et rénovation urbaines, catalogue d’exposition des Archives municipales de Lyon, étude sous la dir. de Catherine ARLAUD et Dominique BERTIN, avec la collab. de M. AUGER, A. HORRY, J.-M. LUROL, S. SAVAY-GUERRAZ et al., Lyon, Archives municipales, 1991, 150 p., (coll. Les dossiers des Archives municipales, 2).