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Hors les murs |
Je fréquente les Archives municipales de Lyon depuis le milieu des années 1980. Mes " premiers documents " furent les archives laissées par la police du second Empire, et je me plongeai ensuite dans tout ce qui pouvait documenter la manière dont l'espace d'une grande ville avait pu être perçu, conçu et vécu dans le " long XIXe siècle " allant des années 1780 à la veille de la Première Guerre mondiale. Mais, a-t-on écrit, la charité demande de ne rien dire de ces premières recherches, en particulier de celles autour de " lesprit lyonnais ". Dont acte. La suite de mes curiosités m'ayant porté vers l'étude des " questions urbaines " dans la première moitié du XXe siècle, c'est de ces recherches actuelles que proviennent ces trois documents.
Ils ne sont ni précieux ni extraordinaires. Ils n'ont de valeur que celle de ce qu'ils content ou révèlent, au détour d'une note marginale ou d'une annotation. Mais, comme les documents précieux et extraordinaires, ils ont une histoire et font une histoire.
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Ils ont une histoire, celle des matériaux d'archives que l'on cherche, que l'on espère, et qui un jour font surface, au fur et à mesure de l'avancée du travail d'inventaire mené dans tout lieu d'archives soucieux de la mise à disposition des documents. Pendant les années 1990, l'équipe des Archives municipales de Lyon a ainsi inventorié la masse énorme des documents produits ou recueillis par l'administration municipale de Lyon depuis la période révolutionnaire. L'inventaire du fonds de l'Exposition internationale et urbaine de 1914, dont est tirée la lettre de Joseph Stübben, fut lun des premiers nouveaux instruments de recherche fourni aux lecteurs. Cette lettre symbolise ce qu'a été ladite exposition : sous un intitulé urbain, une grande foire commerciale, occasion manquée si l'on prend au pied de la lettre les projets ambitieux du maire Édouard Herriot. En témoigne la proposition de participation de Joseph Stübben, une vedette internationale de " l'urbanisme " naissant. Une apostille envoie son courrier à la section " Égouts ", et le maître allemand ne semble pas avoir redonné signe de vie au commissaire de l'exposition.
Je me rappelle aussi de ma lecture détaillée de lÉtat général des fonds, résultat premier de l'effort massif d'inventaire. C'est lui qui m'a permis de repérer divers cartons concernant les congrès et expositions auxquels la ville de Lyon avait participé aux XIXe et XXe siècles. C'est de lun de ces cartons que provient le courrier dEmile Vinck présenté ici. Il retranscrit la désinvolture avec laquelle E. Herriot avait traité la proposition de l'Union Internationale des Villes de tenir une de ses conférences à Lyon en 1934, et la détresse du sénateur belge lorsqu'il s'entendit dire, à quelques mois de l'événement, qu'aucune subvention de la municipalité lyonnaise n'était prévue.
Enfin, grâce à une énième interrogation de la base de données informatisées qui représente le plus récent stade de la mise en valeur des fonds, jai retrouvé les " livres d'or " des visites échangées entre Lyon et diverses municipalités britanniques en 1906-1907, au hasard d'un petit fonds à géométrie variable inventorié par des archivistes minutieuses. Ces livres-souvenirs seraient restés " invisibles " sans un inventaire complet du fonds municipal. Les matériaux qui documentent les voyages des délégations britannique et lyonnaise de 1906-1907 ont en effet été éparpillés dans diverses séries au gré du travail de l'administration municipale du début du siècle. Dans les papiers du cabinet du maire, la correspondance avec les municipalités britanniques entre 1906 et 1908. Avec les autres expositions, la préparation de l'exposition d'hygiène urbaine offerte aux visiteurs britanniques en 1907. Dans la bibliothèque du Conseil municipal, les rapports de la délégation lyonnaise de 1906. Hop-hop.
Et, perdus dans les allées et venues des boîtes et des armoires, nos deux livres d'or brinquebalent jusqu'au versement 985 WP, petit versement de fortune, d'où exhumés un jour ils provoquèrent le sourire béat et vain du lecteur comblé.
Bibliographie
Pierre-Yves SAUNIER, " Changing the city : urban international information and the Lyon municipality, 1900-1940 ", Planning perspectives (Grande-Bretagne), 14, 1999.
Pierre-Yves SAUNIER, " Atlantic crosser. John Nolen and the Urban Internationale ", Planning history (Grande-Bretagne), vol. 21, n° 1, janvier 1999.
Pierre-Yves SAUNIER, " A tale of pendular times : on board the Spirit of Saint Louis with Daniel T. Rodgers ", H-Net online symposium, 5 octobre 1999.
Viviane CLAUDE et Pierre-Yves SAUNIER, " Compétences urbanistes, compétences urbaines : état des lieux 1900-1930 ", Vingtième Siècle, n° 64, octobre-décembre 1999.
Renaud PAYRE et Pierre-Yves SAUNIER, " L'internazionale municipalista : L'Union Internationale des Villes fra 1913 e 1940 ", Amministrare, anno XXX, n° 1-2, gennaio-agosto 2000.
À paraître
Michèle DAGENAIS (Université de Montréal, Canada), Irene MAVER (University of Glasgow, UK) et Pierre-Yves SAUNIER (co-edition), Municipal services and employees 1850-1950, Ashgate Press, 2001.
Pierre-Yves SAUNIER, " Sketches from the Urban Internationale. International organizations, voluntary societies and US Foundations at the citys bedside 1910-1950 ", International Journal for Urban and Regional Research, juin 2001.
Pierre-Yves SAUNIER, guest editor, " The international municipal movement 1900-1950 ", special issue of Contemporary European History, Cambridge University Press, 2002.